Questions qu’on se pose à 70 ans.

Je fêterai mon 70ème anniversaire en septembre prochain, je suis toujours active en tant que thérapeute, formatrice d’adultes et responsable d’un petit espace de thérapie complémentaire.

L’une de mes jeunes étudiantes m’a dit l’autre jour que j’avais beaucoup de chance de pouvoir travailler encore à mon âge et qu’elle espérait pouvoir en faire autant le moment venu. Ces paroles m’ont touchée profondément et ravivé ma gratitude pour tout ce que la vie m’a offert. Elles ont déclenché aussi une avalanche de réflexions que j’aimerais partager avec vous. Car je pense que ce thème concerne toutes les femmes jeunes et moins jeunes.

Réaliser que travailler à mon âge pouvait être vu comme un luxe m’a bouleversée. Je n’avais jamais envisagé la chose sous cet angle. Il me semblait normal de continuer à vivre comme maintenant jusqu’à la fin de mes jours, en travaillant. Mais, en effet, beaucoup de femmes à partir de 50 ans déjà ont de la peine à trouver un emploi et certaines fonctions ne permettent pas de prolonger la vie professionnelle au-delà de 65 ans, même si on le souhaite et si la santé le permet.

Je me suis alors demandé : « Est-ce que tu n’agis pas en égoïste ? Est-ce que tu ne prends pas la place d’une plus jeune ?  – Ok, me suis-je dit, mon activité est largement partielle donc seulement à moitié égocentrique.» Mais le sentiment d’apaisement n’a pas duré. Très vite est venue la question suivante : « Admettons. Mais dans ce cas, ma contribution devrait au moins être utile. Or, depuis peu, je me sens parfois alien en compagnie de mes étudiants. Les univers de nos références culturelles sont à des années-lumière. Et puis, franchement, ils en savent plus que mois sur bien des points.

Comme j’ai de petits groupes d’étudiants, j’ai pu aborder le sujet avec eux. Et à ma grande joie, je n’ai récolté que de la gentillesse, c’était un beau moment de partage du cœur. Elle est belle la jeunesse d’aujourd’hui, elle est généreuse. On m’a dit : « Non, tu ne prends pas notre place, tu nous fais profiter de ton expérience, tu nous donnes espoir. Nous aussi, on aimerait rester actives le plus longtemps possible. D’ailleurs à voir l’évolution des retraites, il faudra qu’on travaille longtemps! »

Oui, l’expérience de vie, l’expertise acquise par la pratique d’un métier. C’est bien sûr ce que je souhaite partager de tout mon coeur. Encore faut-il trouver le juste dosage qui laisse l’autre libre de faire ses propres expériences, de faire des erreurs et d’apprendre par soi-même. Il faut juste cette touche d’inspiration qui stimule la créativité. Voilà ce dont j’aimerais être capable. De tout remettre en question, encore et encore pour accueillir du neuf.

Et puis, en plus de mon savoir-faire, j’aimerais transmettre un savoir-être. J’aimerais être cette présence apaisante, rassurante, aimante, qui nourrit l’espoir, l’enthousiasme et l’esprit. J’aimerais que les jeunes filles et jeunes femmes puissent envisager leur avenir et celui de leurs enfants avec joie et confiance ! Comme celles de ma génération ont pu le faire.

Heureusement, il ne m’est pas demandé d’arranger la vies de qui que ce soit,
mais je pourrais être comme un arbre sous lequel on se sent à l’abri ?

Chinta B. Strubin